Trundailles

Dites! jadis, ripaillait-on
Dans les bouges et dans les fermes.
Les gars avaient les reins plus fermes,
Et les garces plus beau téton.

Alors, en de longues tablées,
Autour des mets grossiers, mais bons,
Autour des lards et des jambons,
Et des mangeailles rassemblées,

De grands buveurs compacts et forts
Riaient, chantaient, gueulaient à boire,
Bâfraient à casser leur mâchoire,
Hurlaient à réveiller les morts.

Chacun avait, à droite à gauche,
Chair de femelle à savourer,
Chair grasse, prête à se cabrer
En des ruades de débauche.

Chacun avait là deux brasiers,
Deux yeux allumès, deux prunelles,
Bûchers de voluptés charnelles,
Où rôtir des amours entiers.

Deux seins tout frais, tout ronds, tout rouges,
Frais et clairs à mordre dedans,
A les marquer d'un coup de dents;
Deux seins appétissants de gouge,

Bombant le haut des tabliers,
Et ressemblant aux pommes mûres
Qu'on voit grossir dans les ramures
Gigantesques des espaliers.

Toutes ces garces en folie
Sablaient aussi des brocs de vin,
Et comme leurs gars, ventre plein,
Menton poisse, jupe salie,

Râlaient en proie au rut fiévreux
Dans un emmêlement farouche,
Criaient, juraient à pleine bouche,
Et pour leurs mâles amoureux.

Se battaient, tombaient pêle-mêle
Parmi les tables, dans les coins,
Ruaient des pieds, tapaient des poings,
Roulaient dans une ivresse telle,

Qu'on eût dit entendre le bruit
D'une lutte à mort dans les bermes,
Et que les chiens veilleurs des fermes
Pleuraient d'effroi toute la nuit.
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