La Fauvette du calvaire
Oh ! non, je n’irai pas, sous son toit solitaire,
Troubler ce juste en pleurs par le bruit de mes pas ;
Car il est, voyez-vous, de grands deuils sur la terre,
Devant qui l’amitié doit prier et se taire :
Oh ! non, je n’irai pas.
Lorsque de ses douleurs le blond fils de Marie,
Mourant, réjouissait Sion et Samarie,
Hérode, Pilate et l’enfer ;
Son agomie émut d’une pitié profonde
Les anges dans le ciel, les femmes en ce monde
Et les petits oiseaux dans l’air.
Et, sur le Golgotha noir du peuple infidèle,
Quand les vautours, à grand bruit d’aile,
Flairant la mort, volaient en rond ;
Sortant d’un bois en fleur au pied de la colline,
Une fauvette pèlerine
Pour consoler Jésus se posa sur son front.
Oubliant pour la Croix son doux nid sur la branche,
Elle chantait, pleurait et piétinait en vain,
Et de son bec pieux mordait l’épine blanche,
Vermeille, hélas, du sang divin :
Et l’ironique diadème
Pesait plus douloureux au front du moribond,
Et Jésus, souriant d’un sourire suprême,
Dit à la fauvette : À quoi bon ?…
À quoi bon te rougir aux blessures divines ?
Aux clous du saint gibet à quoi bon t’écorcher ?
Il est, petit oiseau, des maux et des épines
Que du front et du cœur on ne peut arracher.
La tempête qui m’environne
Jette au vent ta plume et ta voix,
Et ton stérile effort, au poids de ma couronne,
Sans même l’effeuiller ajoute un nouveau poids.
La fauvette comprit, et, déployant son aile,
Au perchoir épineux déchirée à moitié,
Dans son nid, que berçait la branche maternelle,
Courut ensevelir ses chants et sa pitié.
Oh ! non, je n’irai pas, sous ce toit solitaire,
Troubler ce juste en pleurs par le bruit de mes pas ;
Car il est, voyez-vous, de grands deuils sur la terre,
Devant qui l’amitié doit prier et se taire :
Oh ! non, je n’irai pas.
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