La Rieuse
Ses rires grands ouverts qui si crânement mordent
Sur le fond taciturne et murmurant des prés,
Sont métalliques, frais, liquides, susurrés,
Aux pépiements d’oiseaux ressemblent et s’accordent.
Excités par la danse, ils se gonflent, débordent
En cascades de cris tumultueux, serrés,
De hoquets glougloutants, fous et démesurés,
Qui la virent, la plient, la soulèvent, la tordent.
On la surnomme la Rieuse.
La santé la fait si joyeuse
Qu’elle vit sa pensée en ses beaux yeux ardents ;
Son âme chante tout entière
Dans sa musique coutumière,
Sur le robuste émail de ses trente-deux dents.
— « Est-elle heureuse ! » — mais, la triste expérience
Vous chuchote sa méfiance :
« Ici-bas, tout bonheur est court.
Le ver, comme disent les vieilles,
Couve aux pommes les plus vermeilles.
Tôt ou tard, elle aura son tour
Dans la tristesse. Quelque jour,
Elle ira, funèbre et chagrine,
Au long des bois, au bord de l’eau.
Alors, ce sera le sanglot
Qui contractera sa poitrine.
Au lieu de leurs pimpants vacarmes,
Sur ses lèvres viendront croupir
Le silence du long soupir,
Le sel âcre et brûlant des larmes.
Car, ainsi va notre destin :
L’illusion flambe et s’éteint.
Après l’innocence ravie
Le Mal enlacé du remord !
Et l’épouvante de la mort
Après l’ivresse de la vie !
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