Stanzas 1–10 - Part of Testament, Le

I

En l'an trentieme de mon âge
Que toutes mes hontes j'eus bues,
Ne du tout fol, ne du fout sage,
Non obstant maintes peines eues,
Lesquelles j'ai toutes recues
Sous la main Thibaut d'Aussigny…
S'evêque il est, seignant les rues,
Qu'il soit le mien je le regny!

II

Mon seigneur n'est ne mon evêque;
Sous lui ne tiens, s'il n'est en friche;
Foi ne lui dois n'hommage avecque;
Je ne suis son serf ne sa biche
Pû m'a d'une petite miche
Et de froide eau tout un été.
Large ou étroit, mout me fut chiche:
Tel lui soit Dieu qu'il m'a été.

III

Et s'aucun me vouloit reprendre
Et dire que je le maudis,
Non fais, se bien le sait comprendre,
En rien de lui je ne médis.
Veci tout le mal que j'en dis:
S'il m'a été misericors,
Jesus, le roi de paradis,
Tel lui soit a l'ame et au corps!

IV

Et s'été m'a dur et cruel
Trop plus que ci ne le raconte,
Je veuil que le Dieu eternel
Lui soit donc semblable a ce compte.
Et l'Eglise nous dit et conte
Que prions pour nos ennemis.
Je vous dirai: «J'ai tort et honte,
Quoi qu'il m'ait fait, a Dieu remis!»

V

Si prierai pour lui de bon cœur,
Par l'ame du bon feu Cotart!
Mais quoi! ce sera donc par cœur,
Car de lire je suis faitard:
Priere en ferai de Picard;
S'il ne le sait, voise l'apprendre,
S'il m'en croit, ains qu'il soit plus tard,
A Douai ou a Lille en Flandre.

VI

Combien se ouïr veut qu'on prie
Pour lui, foi que dois mon baptême,
Obstant qu'a chacun ne le crie,
Il ne faudra pas a son ême.
Ou Psautier prends, quand suis a même,
Qui n'est de bœuf ne cordouan,
Le verselet écrit septieme
Du psaume de Deus laudem .

VII

Si prie au benoit fils de Dieu,
Qu'a tous mes besoins je reclame,
Que ma pauvre priere ait lieu
Vers lui, de qui tiens corps et ame,
Qui m'a preservé de maint blâme
Et franchi de vile puissance,
Loué soit il, et Notre Dame,
Et Loïs, le bon roi de France,

VIII

Auquel doint Dieu l'heur de Jacob,
Et de Salmon l'honneur et gloire,
(Quant de proesse, il en a trop,
De force aussi, par m'ame, voire!)
En ce monde ci transitoire,
Tant qu'il a de long et de lé,
Afin que de lui soit memoire,
Vive autant que Mathusalé!

IX

Et douze beaux enfants, tous mâles,
Voire de son cher sang royal,
Aussi preux que fut le grand Charles
Conçus en ventre nuptial,
Bons comme fut saint Martial.
Ainsi en preigne au feu Dauphin!
Je ne lui souhaite autre mal,
Et puis paradis à la fin.

X

Pour ce que foible je me sens
Trop plus de biens que de santé,
Tant que je suis en mon plein sens,
Si peu que Dieu m'en a prêté,
Car d'autre ne l'ai emprunté,
J'ai ce Testament tres estable
Fait, de derniere voulenté,
Seul pour tout et irrevocable.
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