Tristesse D'Olovio, 1

Les œufs n'étaient point frais, la chair n'était pas bonne,
Non. Le plat noir bavait sur la main de la bonne
Un triste ruisselet.
Olovio, souffrant, défaillait sur sa chaise.
Une odeur d'hôpital et de Père-Lachaise
S'élevait du poulet.

Le veau, le bar, les choux frits dans la même poêle.
Dans le même torchon sentaient la vieille toile
Et le poisson pourri.
En disséquant (de loin) le petit sot-l'y-laisse,
On trouvait un ver blanc, nu comme une diablesse,
Mais vif, et bien nourri.

Premières Oeuvres Poétiques, Les - 123

Ceux qui ont paint Amour sans raison et sans yeux,
Pipeux, mocqueur, trompeur, tyran plein d'inconstance,
Cruel, traistre, bastard, qui a pris son essence
De l'Herebe et la nuit, estoient ingenieux.

Helas! et qu'il soit vray, cet enfant vicieux,
Il nous paint pour raison la force et violence,
Pour la loy l'injustice, au lieu du droit l'offence,
Et pour l'aise et le bien le mal plus soucieux.

Ô folle opinion, ô vaine fantaisie
Qui troubles tous nos sens d'estrange frenesie,
O fontaine d'erreur, nous faisons à grand tort

Premières Oeuvres Poétiques, Les - 113

Ô Soleil de mon ame, ô étincelans yeux!
Qui estes de ma vie et la cause et l'escorte,
Si le Ciel autrefois vous poussa de sa porte
Pour éclaircir mes jours par vos rais gracieux,

Pourquoy ce voile blanc, et ce poil glorieux
Qui enrethe en ses rets ma pauvre ame mi-morte,
Et pourquoy cette main pour mon malheur accorte,
M'éclipsent si souvent vos brandons radieux?

Si ce fascheux defaut n'arrestoit en partie
Ma plume, mon esprit, mon œil, ma fantasie,
Brillans vous reluirez en maints rares tableaux,

Premières Oeuvres Poétiques, Les - 109

J'avois pensé qu'un ardent feu épris
Au centre obscur d'une jeune poitrine,
Pouvoit pousser par la langue divine
L'ardeur éprinse en nos os par Cypris.

Mais à mon dam ore je suis apris
À ce que dit la Muse Florentine,
Qu'un fort brandon qui nos entrailles mine
Lie la langue, et la rend de nul pris.

Si donc ma vois me manque aupres ma Dame,
Pour éventer mon amoureuse flame,
Quel truchement cercheray-je à mes vœus?

Las! je ne sçay, sinon que ma pauvre ame,
Pour ne souffrir ces brasiers outrageux,

Premières Oeuvres Poétiques, Les - 5

Tous ces oiseaux qui sous la Nuit obscure
D'un triste vol se plaignent lentement,
Ne sont tesmoins du doux commancement
De mon amour sainte, loyale, et pure.

Les clairs ruisseaux, les bois, et la verdure
Des prez fleuris d'un beau bigarrement,
Sont seuls tesmoins du bien, et du tourment,
Que pour aimer égallement j'endure.

La Nuit n'eut sçeu dans son sein receler
Mon feu luisant, qui peut estinceler
Parmy les Cieux, aux Enfers, et sous l'onde.

Mon Amour passe au travers de la Nuit,

À monsieur de Chaudebonne

Toi que d'une voix générale,
Mars et l'Amour ont avoué,
Et que les Astres ont doué
D'une humeur franche et libérale,
Chaudebonne, puisque le Ciel
A gardé pour moi tant de fiel,
Ne t'oppose point à sa haine;
Et ne va point mal à propos
Te donner tant soit peu de peine
Pour m'acquérir plus de repos.

Laisse faire à la Destinée;
Il ne faut pas s'imaginer
Qu'en l'humeur de m'importuner
Elle soit toujours obstinée.
Comme on voit après les frimas
Dont l'Hiver glace nos climats,

Femme

Femme à la souple charpente,
Au poitrail courbe, arqué pour
Les gémissements d'amour,
Mon désir suivra tes pentes—
Tes veines, branchages nains—
Où la courbe rejoint l'angle;
Jambes fermant le triangle
Du cher coffret féminin.

—O femme, source et brûlure—

Je renverse dans ma main
Ta tête—sommet humain,
Cascade ta chevelure!

Scheveningue, morte-saison

Dans le clair petit bar aux meubles bien cirés,
Nous avons longuement bu des boissons anglaises;
C'était intime et chaud sous les rideaux tirés.
Dehors le vent de mer faisait trembler les chaises.

On eût dit un fumoir de navire ou de train:
J'avais le cœur serré comme quand on voyage;
J'étais tout attendri, j'étais doux et lointain;
J'étais comme un enfant plein d'angoisse et très sage.

Cependant, tout était si calme autour de nous!
Des gens, près du comptoir, faisaient des confidences.

Mers-el-Kébir

J'aime ce village, où sous les orangers,
Sans se voir, deux jeunes filles se disent leurs amours
Sur deux infiniment plaintives mandolines.
Et j'aime cette auberge, car les servantes, dans la cour,
Chantent dans la douceur du soir cet air si doux
De la «Paloma». Écoutez la paloma qui bat de l'aile…
Désir de mon village à moi, si loin; nostalgie
Des antipodes, de la grande avenue des volcans immenses;
O larmes qui montez, lavez tous mes péchés!
Je suis la paloma meurtrie, je suis les orangers,

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