Écoutez La Chanson Bien Douce.

Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire,
Elle est discrète, elle est légère:
Un frisson d'eau sur de la mousse!

La voix vous fut connue (et chère!),
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle encore fière,

Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d'automne,
Cache et montre au coeur qui s'étonne
La vérité comme une étoile.

Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c'est notre vie,
Que de la haine et de l'envie

Prince Mort En Soldat, À Cause De La France

Prince mort en soldat à cause de la France,
Ame certes élue,
Fier jeune homme si pur tombé plein d'espérance,
Je t'aime et te salue!

Ce monde est si mauvais, notre pauvre patrie
Va sous tant de ténèbres,
Vaisseau désemparé dont l'équipage crie
Avec des voix funèbres,

Ce siècle est un tel ciel tragique où les naufrages
Semblent écrits d'avance...
Ma jeunesse, élevée aux doctrines sauvages,
Détesta ton enfance,

Or, Vous Voici Promus, Petits Amis.

Or, vous voici promus, petits amis,
Depuis les temps de ma lettre première,
Promus, disais-je, aux fiers emplois promis
A votre thèse, en ces jours de lumière.

Vous voici rois de France! A votre tour!
(Rois à plusieurs d'une France postiche,
Mais rois de fait et non sans quelque amour
D'un trône lourd avec un budget riche.)

A l'oeuvre, amis petits! Nous avons droit
De vous y voir, payant de notre poche,
Et d'être un peu réjouis à l'endroit
De votre état sans peur et sans reproche.

Petits Amis, Qui Sûtes Nous Prouver.

Petits amis qui sûtes nous prouver
Par A plus B que deux et deux font quatre,
Mais qui depuis voulez parachever
Une victoire où l'on se laissait battre,

Et couronner vos conquêtes d'un coup
Par ce soufflet à la mémoire humaine;
«Dieu ne vous a révélé rien du tout,
Car nous disions qu'il n'est que l'ombre vaine,

Que le profil et que l'allongement,
Sur tous les murs que la peur édifie
De votre pur et simple mouvement,
Et nous dictons cette philosophie.»

--Frères trop chers, laissez-nous rire un peu,

Non. Il Fut Gallican, Ce Siècle, Et Janséniste.

Non. Il fut gallican, ce siècle, et janséniste!
C'est vers le Moyen Age énorme et délicat
Qu'il faudrait que mon coeur en panne naviguât,
Loin de nos jours d'esprit charnel et de chair triste.

Roi, politicien, moine, artisan, chimiste,
Architecte, soldat, médecin, avocat,
Quel temps! Oui, que mon coeur naufragé rembarquât
Pour toute cette force ardente, souple, artiste!

Et là que j'eusse part--quelconque, chez les rois
Ou bien ailleurs, n'importe, à la chose vitale,
Et que je fusse un saint, actes bons, pensers droits,

Sagesse D'un Louis Racine, Je T'envie

Sagesse d'un Louis Racine, je t'envie!
O n'avoir pas suivi les leçons de Rollin,
N'être pas né dans le grand siècle à son déclin,
Quand le soleil couchant, si beau, dorait la vie,

Quand Maintenon jetait sur la France ravie
L'ombre douce et la paix de ses coiffes de lin,
Et royale abritait la veuve et l'orphelin,
Quand l'étude de la prière était suivie,

Quand poète et docteur, simplement, bonnement,
Communiaient avec des ferveurs de novices,
Humbles servaient la Messe et chantaient aux offices,

La Vie Humble Aux Travaux Ennuyeux Et Faciles.

La vie humble aux travaux ennuyeux et faciles
Est une oeuvre de choix qui veut beaucoup d'amour:
Rester gai quand le jour triste succède au jour,
Être fort, et s'user en circonstances viles;

N'entendre, n'écouter aux bruits des grandes villes
Que l'appel, ô mon Dieu, des cloches dans la tour,
Et faire un de ces bruits soi-même, cela pour
L'accomplissement vil de tâches puériles;

Dormir chez les pécheurs étant un pénitent;
N'aimer que le silence et conserver pourtant
Le temps si grand dans la patience si grande,

Les Faux Beaux Jours Ont Lui Tout Le Jour, Ma Pauvre Âme.

Les faux beaux jours ont lui tout le jour, ma pauvre âme,
Et les voici vibrer aux cuivres du couchant.
Ferme les yeux, pauvre âme, et rentre sur-le-champ:
Une tentation des pires. Fuis l'infâme.

Ils ont lui tout le jour en longs grêlons de flamme,
Battant toute vendange aux collines, couchant
Toute moisson de la vallée, et ravageant
Le ciel tout bleu, le ciel, chanteur qui te réclame.

O pâlis, et va-t'en, lente et joignant les mains.
Si ces hiers allaient manger nos beaux demains?
Si la vieille folie était encore en route?

O Vous, Comme Un Qui Boite Au Loin. Chagrins Et Joies.

O vous, comme un qui boite au loin, Chagrins et Joies,
Toi, coeur saignant d'hier qui flambes aujourd'hui,
C'est vrai pourtant que c'est fini, que tout a fui
De nos sens, aussi bien les ombres que les proies.

Vieux bonheurs, vieux malheurs, comme une file d'oies
Sur la route en poussière où tous les pieds ont lui,
Bon voyage! Et le Rire, et, plus vieille que lui,
Toi, Tristesse noyée au vieux noir que tu broies,

Et le reste!--Un doux vide, un grand renoncement
Quelqu'un en nous qui sent la paix immensément,

Beauté Des Femmes, Leur Faiblesse, Et Ces Mains Pâles.

Beauté des femmes, leur faiblesse, et ces mains pâles
Qui font souvent le bien et peuvent tout le mal.
Et ces yeux, où plus rien ne reste d'animal
Que juste assez pour dire: «assez» aux fureurs mâles

Et toujours, maternelle endormeuse des râles,
Même quand elle ment, cette voix! Matinal
Appel, ou chant bien doux à vêpre, ou frais signal,
Ou beau sanglot qui va mourir au pli des châles...

Hommes durs! Vie atroce et laide d'ici-bas!
Ah! que, du moins, loin des baisers et des combats,
Quelque chose demeure un peu sur la montagne,

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